Lundi dernier, c’était la veille du jour de mes 32 ans. J’allais tranquillement à mon cours de batterie à pied, sous un très beau soleil, et puis comme à toute veille d’un jour plus ou moins important, mais d’un jour marquant quelque chose en tout cas, je réfléchissais à tout ça. En bonne blogueuse, et puis en bonne nana qui aime bien dresser des bilans, je me demandais un peu ce que j’avais à dire, sur ces 32 ans.
C’est drôle, mais j’avais pas vraiment l’impression d’avoir quoi que ce soit à raconter là-dessus. C’est drôle parce que depuis mes 31 ans, il s’en est passé, des choses, et que finalement, ça a probablement été l’année la plus riche en évènements et évolutions que j’ai eue jusque là, l’année de mes 32 ans.
Mais non, j’ai 32 ans, et j’ai pas grand chose à raconter.
J’ai 32 ans, de plus en plus de cheveux blancs, et pourtant je veux continuer à croire que je grandis mais pas vraiment que je vieillis. Je veux continuer à croire que je construis et pas que je renforce. Je veux continuer à croire que le meilleur n’est pas encore arrivé, alors que je me dis quand même qu’on aura du mal à faire mieux que la fin de mon adolescence. J’ai 32 ans, et même si j’ai cette ridicule peur de vieillir, je sais depuis Nounouche que voir les années défiler est un privilège, et que ces nombres qui montent sont infiniment précieux. J’ai 32 ans et je l’amène un peu partout avec moi par la pensée, alors que bon, je suis pas vraiment sûre que ça la passionne trop, mes cours de batterie. Mais j’aime bien quand même l’idée de continuer à la faire vivre un peu à travers tout ça, et puis d’emporter son enthousiasme un peu partout comme ça.
J’ai 32 ans, et depuis un peu plus de 4 mois, je vis au Canada. Ça parait pas toujours comme ça si vous me suivez sur les réseaux sociaux, mais c’est pas facile tous les jours. C’est pas facile parce que la mer est beaucoup trop loin, et beaucoup trop importante pour moi. C’est pas facile parce que si ma vie continue et avance, celle de ceux qui j’aime aussi, mais loin, et que parfois, j’aimerais bien être avec eux pour les voir continuer et avancer. C’est pas facile parce que ces foutues six heures de décalage horaire font que tout le monde est couché quand j’ai eu une vraiment mauvaise journée, et que j’ai besoin de le raconter à quelqu’un qui ne vit pas avec moi et qui me connait vraiment, genre depuis plus de 4 mois. C’est pas facile, c’est vrai, mais c’est pas si difficile non plus, et puis ça dépend des jours. Parce que depuis 4 mois il y a ces habitudes qu’on se créé, ces nouveaux amis qu’on se fait, et il y a cette sensation de découvrir un peu tous les jours. Et puis vous savez, c’est comme si à Montréal les rêves devenaient un peu plus possibles, et je pense que j’aime bien cette idée.
J’ai 32 ans, et je crois que depuis mes 31 ans, j’ai commencé un peu à croire en moi, j’ai commencé un peu à laisser sortir ce machin tout bizarre qui voulait s’exprimer en moi mais qui avait tendance à me faire honte, et que je savais pas bien comment gérer, alors que j’avais choisi de museler. Parce que tout bon dictateur sait que la meilleur façon de contrôler quelque chose qu’on ne sais pas bien gérer, c’est de l’enfermer à triple tour, évidement. Donc j’avais collé ma sensibilité au cachot, parce qu’elle me rendait bien trop émotive, et que dans un monde d’adulte, l’émotivité, c’est un sacré gros mot, et c’est vraiment très embarrassant. Et puis un jour, je sais pas, j’en ai eu un peu marre, et puis j’ai trouvé que j’avais pas vraiment à m’excuser d’être humaine, et d’être juste moi. Et puis j’ai plus eu envie de l’enfermer, parce que quelque part, je pressentais aussi qu’elle avait des choses à m’apporter, si vraiment je lui laissais le champ libre, à ma sensibilité. Alors je crois que depuis que je l’ai sortie du cachot, je suis peut être un être humain encore un peu moins gérable, mais j’ai décidé qu’au lieu de toujours faire des efforts surhumains pour m’adapter à ce qui m’entoure, j’allais m’entourer d’un monde adapté à qui je suis. C’est pas hyper simple tous les jours, mais petit à petit, ça prend forme, et ça me plait.
J’ai 32 ans, et depuis mes 31 ans, j’ai commencé à écrire un roman. Il est pas fini, et je n’ai absolument aucune idée de sa qualité, mais il a le mérite d’être là, et je trouve que c’est déjà bien. Alors peu importe tout le reste, je suis tellement fière de ces 150 pages de mes mots, de mon histoire.
J’ai 32 ans, et il y a quelques mois, j’ai décidé d’enfin oser investir en moi. Après des années à économiser, je me suis offert l’appareil photo de mes rêves, et puis aussi, j’ai pris un abonnement Adobe, et j’ai acheté un nom de domaine à mon nom. Dernièrement, j’ai même parlé aux gens de mon réseau ici pour leur dire que je voulais proposer mes services en photographie. J’ai toujours ce syndrome de l’imposteur qui se fait plaisir à travers une petite voix dans ma tête et un gros poids dans mon ventre, mais hey, il pourra peser tout ce qu’il veut, je ferai quand même. Je me suis toujours dit que j’aurais franchi une vraie étape le jour où j’aurais commencé à dépenser de l’argent pour devenir photographe, et ben voilà, c’est fait. Il y a probablement un paquet de prochaines étapes, mais celle-ci, je peux faire une petite coche devant. J’ai commencé à y croire, et ça c’est dingue.
J’ai 32 ans, et j’ai comme l’impression que cette année, j’ai regardé le décor autour de moi, et je me suis mise en tête de tout démonter et rebricoler à ma manière. Je dis ça mais au fond, c’est pas tant le décor que je rebricole que moi. Et comme le bricolage humain, je crois que c’est la spécialité de personne, c’est encore sérieusement bancal pour l’instant, et c’est ptet pour ça qu’au fond, j’ai pas vraiment grand chose à dire.
Alors j’ai 32 ans, je crois que j’ai définitivement accepté de ne jamais vraiment devenir une adulte, de continuer à grandir avec des cheveux blancs qui se multiplient. Je crois que j’ai accepté d’avoir toujours le sentiment d’être en période de transition, parce que finalement la vie n’est que changement, et tant mieux. Je crois que j’ai accepté de laisser les autres croire en moi, et de les laisser me contaminer un peu. Je crois que j’ai accepté d’être une adulte un peu bizarre, un peu trop sensible et émotive, parce que finalement, je crois que ça me donne un avantage, dans la vie, et puis en fait, je ne voudrais pas vraiment être autrement.
Vous savez, c’est bizarre, mais depuis que je suis ado, j’ai cette chanson déprimante du premier album de Cali qui me trotte dans la tête. A l’époque, cette « nuit qui s’avance vers mes 32 ans » me paraissait si lointaine, et pourtant, quelque part, j’étais persuadée que je l’aurais en tête, le jour de cette fameuse nuit.
Et puis finalement, je n’y ai jamais repensé. Elle m’est revenue subitement le lendemain, et j’ai presque été déçue d’avoir connu cette chanson la moitié de ma vie, pour finalement la rater le jour où l’on se rejoint, toutes les deux.
Alors je me la suis repassée mentalement, pour finalement me rendre compte qu’il n’y a qu’une phrase qui me rejoint, pour de vrai, en fait.
Tout va bien.
Tout va bien.