Rendons à César ce qui appartient à César. Il y a quelques jours, je suis tombée sur un texte écrit par Pauline, du blog Un invincible été. Un texte destiné à son moi d’il y a 10 ans. Alors j’y ai pensé, pas mal. Et puis j’ai fait le calcul, et je me suis rendu compte qu’il y a pile 10 ans, j’étais à un moment charnière de ma vie. J’étais au moment où tout s’apprêtait à changer. Et je me suis rendu compte, aussi, que maintenant, 10 ans plus tard, je me tenais de nouveau à un de ces moments charnière. Cette coïncidence m’a fait sourire, alors j’ai décidé, moi aussi, de me prêter à l’exercice. Parce qu’il y a 10 ans, je crois que j’aurais eu besoin, de recevoir cette lettre.

Tu es plus forte que tu ne le penses.
Je sais où tu en es, je m’en souviens comme si c’était hier. Pourtant c’était il y a dix ans, entre deux stages au Chili, sur le dernier semestre de ces études que tu supportes de moins en moins.
Tu vas rater ces derniers partiels, pour une multitude de raisons, mais ça va aller. Tu auras ton diplôme aux rattrapages, et tu prendras ta revanche l’année suivante, en sortant de ta deuxième école avec une belle moyenne. Une très belle moyenne.
Ton deuxième stage au Chili achèvera ce que le premier avait commencé. Ta guérison. Il parait que partir est une fuite, que nos problèmes nous suivent partout. C’est faux, tu sais. Ou alors tes problèmes ont un sens de l’orientation aussi pourri que le tien et ne t’ont pas retrouvée.
Je sais comme tu en as bavé, ces dernières années, et je voudrais bien te dire que c’est fini, mais ce n’est pas vrai. Ce que je peux te dire, c’est que ça ne sera jamais pire que l’année 2008. Jamais. Tu vois le bout du tunnel, et je t’assure que même s’il y a encore du chemin à faire pour en sortir, ça ne sera jamais aussi noir que ce que tu as vécu ces années là. Tu vas remonter à la surface doucement, replonger parfois, mais à travers ce chemin, tu vas apprendre à te connaitre, tu vas apprendre à te gérer, tu vas apprendre à t’accepter, à accepter cette part d’ombre en toi. Tu vas faire la paix avec elle, et crois moi, ça fera toute la différence.
Ne t’attends pas à ce que ta carrière suive la route toute tracée que tu envisages. En moins de 3 ans après la fin de tes études, tu vas prendre la tangente. Tu vas te chercher, beaucoup, te remettre en question encore plus. Et à 33 ans, tu seras toujours indécise quant au chemin à suivre. Mais ça ne sera pas le plus important. Ça ne sera jamais le plus important.
Je sais qu’actuellement, tu fuis les rencontres, je sais que tu as peur des gens. Mais ça va changer très vite. D’ici un an, tu vas découvrir de belles personnes. Et je sais que tu ne me croiras pas, mais d’ici 5 ans, tu seras si bien entourée que tu t’en sentiras comblée. Tu vas comprendre, rapidement, que pour recevoir tout cet amour, il faut laisser tomber la carapace, et en donner d’abord. Il faut, oui, laisser les autres te voir pour de vrai, même si tu te sens vulnérable, même si tu as peur, même si ça leur donne le pouvoir de te faire du mal. Tu n’imagines pas encore tous les amis merveilleux qui vont venir peupler ton univers, petit à petit, mais si tu l’imaginais, je te connais, tu aurais si hâte de vieillir.
Si hâte.
Tu vas retomber amoureuse, vivre des déceptions, te tromper, faire mal mais aussi laisser d’autres te faire du mal. J’aimerais te dire, maintenant, de ne pas faire si confiance aux autres, de suivre ton intuition lorsqu’elle te dit que quelque chose ne va pas, de te faire confiance à toi. mais je sais que c’est trop tard. Si tu penses que tu as déjà vécu le pire de ce côté là, tu risques d’avoir des surprises. Mais tu sais quoi ? À travers tout ça, tu vas te retrouver à 33 ans, à vivre la pire rupture de ta vie, et à la vivre avec une force que tu n’avais jamais vue en toi.
Une force incroyable.
À travers tout ça, tu vas réaliser que, quoi qu’il se passe sur le plan amoureux, tout ira bien. Parce que tu peux le gérer, parce que tu n’as pas besoin de quelqu’un pour vivre, pour être heureuse.
À travers tout ça, tu vas réaliser un soir en rentrant chez toi que malgré toutes les galères qui te tombent dessus d’un coup, tu aimes ta vie. Non, elle ne sera pas parfaite, loin de là, mais elle t’apportera assez de bonheur pour te donner la force d’avancer, de corriger ses parties les plus nulles. Elle te donnera le sourire même dans les moments noirs.
Tu sais, ce proverbe que tu détestes tant, que tu ne comprends pas ? « Tout ce qui ne tue pas rend plus fort » ? Tu vas continuer à le détester, pendant 10 ans. Tu vas continuer à te dire que non, ce qui ne tue pas ne rend pas plus fort, ça te bousille juste un peu plus. Et puis un jour, tu vas le comprendre. Tu vas comprendre que oui, tout ce qui ne t’a pas tuée t’a rendue plus forte, sans même que tu t’en rendes compte. Et ce jour là, tu ne seras jamais aussi émerveillée par le fait d’avoir eu tord.
Si tord.
Stick va partir jeune, bien plus tôt que ce que tu pensais, et ça va te crever le coeur. Je n’ai rien à te dire pour que tu t’y prépares, parce que rien ne soulagera cette douleur là. Alors profite de lui à fond, aimes le très fort. Il le mérite tant. Je ne sais pas si tu t’en remettras vraiment un jour, je n’ai pas encore cette réponse là. Je ne sais pas grand chose, finalement.
Je sais que tu as peur de ne pas réussir à émigrer ailleurs, mais ça va marcher, ne t’inquiète pas. Ça mettra juste un peu plus de temps que prévu, mais un beau jour tu traverseras un océan, et tu atterriras quand même à la maison. Ça sera beau et dur à la fois, ça viendra avec beaucoup de doutes et des litres de larmes, et puis un jour, il y aura juste moins de doutes, moins de larmes, et plus d’amour pour ta terre d’accueil.
Je sais, que tu te demandes si c’est vrai, ce que l’on dit. Si c’est vrai qu’à 30 ans on s’aime mieux, si on se connait mieux, si on est en paix avec soi-même. Il y a quelques mois, je t’aurais probablement répondu que non, à 30 ans, c’est toujours autant le bordel, et que c’est pas vrai, qu’on se connait mieux et qu’on s’aime enfin.
Mais aujourd’hui, je repense à ces 10 dernières années tu sais. Tu n’imagines pas à quel point tes centres d’intérêt vont changer. À quel point tu vas découvrir tout un monde à travers la photo, la musique, et toutes les autres activités artistiques que tu vas tenter. Tu n’imagines pas comme ta définition de toi-même va changer, comme ta vision de toi-même va s’enrichir. Tu n’imagines pas comme les épreuves vont te faire comprendre, malgré tout, qui tu es.
Ce que tu ne vois pas encore, à 23 ans, c’est que ta sensibilité, ton émotivité, cette part de toi que tu essaies vainement d’effacer, de contrôler, cette part que tu détestes et qui te fait tant souffrir, qui te fait te sentir si faible, va devenir ta plus grande force. Un jour, bientôt, tu vas l’apprivoiser, tu vas l’accepter, tu vas comprendre que oui, elle peut être embarrassante, que oui, elle peut te faire te sentir complètement en marge, mais qu’elle façonne ta façon d’exister dans ce monde, et ta façon de traverser la vie. Et bientôt, très bientôt, je te le promets, tu aimeras cette part de toi, et tu réaliseras finalement que tu ne voudrais pas être autrement, car elle est ce qu’il y a de meilleur en toi. Alors, tu vas comprendre, qu’il n’est pas impossible d’exister ici lorsque tout nous serre la gorge, lorsque si peu nous émeut, lorsque le bonheur nous fait monter les larmes aux yeux. Tu vas vite comprendre que tu n’as pas à t’adapter au monde, que tu n’as pas à te cacher. Non, il te faudra simplement adapter ton monde à qui tu es, t’entourer de ceux qui ne te feront jamais te sentir mal d’être toi-même. Et tu sais, tu es plutôt bonne pour ça, à quelques exceptions près.
Alors oui, à 30 ans passés, on commence à faire la paix. On commence à faire la paix avec son âge, on commence à faire la paix avec son parcours, on commence à envoyer bouler tous les reproches que l’on se fait à nous mêmes. À 30 ans passés, on commence à savoir ce que l’on veut, on commence à savoir ce que l’on vaut.
Et crois moi, tu vaux bien plus que ce que tu penses, là, tout de suite.
Je sais, que ça va aller, et j’aimerais tant pouvoir te le dire aussi, j’aimerais tant te montrer toutes les belles choses qui t’attendent, pour t’aider à te sentir plus légère, pour t’aider à mettre les derniers coups de pédale qui t’aideront à remonter cette pente.
J’aimerais tant t’envoyer tout l’amour dont je sais que tu as besoin, maintenant. Te prendre dans mes bras ces soirs où tu te sens seule, ou tu pleures sans discontinuer. Ces soirs où tu tentes patiemment de contrôler ces crises d’angoisse qui n’en finissent pas.
Je ne peux pas le faire, je le sais. mais aujourd’hui, je sais aussi que tu vas finir par te donner cet amour seule, et que ces moments ne sont plus que des lointains souvenirs.
J’ai gardé le meilleur pour la fin. Enfin le meilleur, pas totalement, mais le plus drôle, en tout cas. Je voudrais te dire que tu as raison sur deux choses.
Tout d’abord, ces deux amies que tu aimes tant, celles qui t’aident à tenir le coup à travers tout ça. Je sais que tu es convaincue qu’elles seront toujours là. Et c’est vrai. Elles seront toujours là, 10 ans après, elles ne t’auront jamais lâchée, pas un instant. Elles auront toutes les deux des enfants, et même un changement majeur comme celui-ci ne vous aura pas éloignées.
Et aussi, oui, ils ont tord, tous ces gens qui te disent « pour l’instant tu ne veux pas d’enfants, mais tu vas voir, quand la trentaine va arriver, l’envie va venir avec ».
C’est toi qui as raison, d’être convaincue que l’envie ne viendra pas avec la trentaine. Et je sais que là où tu es, tu jubilerais, de pouvoir leur faire ravaler leur putain d’horloge biologique. Et de là où je suis, j’adorerais te rendre visite et leur dire moi-même que oui, j’ai le culot, à 33 ans, d’envisager que mon utérus n’ait jamais aucune utilité.
Oh oui j’aimerais ça.
Garde le cap, dans cette fin de tempête. Très bientôt, il n’y aura plus qu’un ciel de traine. Et puis dans quelques années, tu auras quitté ces eaux troubles et agitées. Il y aura des coups de vent passagers, certains un peu plus longs, un peu plus forts, mais les éclaircies se feront bien plus présentes, bien plus fréquentes.
Tu es forte, tu sais.
Si forte.

Il est si beau cet article, ma douce. ??
Merci toi :-). Je me suis rendue compte que j’étais sacrément rouillée, quand même, et ça m’a pas mal donné envie de reprendre l’écriture.
Très beau, vraiment !!!!
Et puis,au sujet de ton utérus, laisse le au repos, si tel est ton désir…
Laisses les autres dire, et vis ta vie comme tu veux qu’elle soit !
Suis ton chemin, ma puce, et profites à fond des moments de bonheur qu’elle peut t’apporter ?
Merci :-).
Je compte bien foutre la paix à mon utérus et laisser les gens dire ce qu’ils veulent !
De gros bisous depuis l’autre côté de l’océan…