Cela faisait quelque temps, maintenant, que je les voyais arriver, des années peut-être même. Depuis mes 26 ans, depuis le moment ou je m’étais rendue compte que j’étais maintenant plus proche d’eux que des 20 ans.
Je te l’avoue (presque) sans honte, ils me faisaient peur. Moi qui avais toujours trouvé l’angoisse de vieillir ridicule, la voilà qui m’assaillait bien trop tôt. D’abord, c’était la fin de mes études, avec les choix de carrière, les choix de vie qui allaient avec, et cette impression constante que plus j’avançais, moins j’avais de possibilités, plus les portes se fermaient pour moi. Et tu sais, je suis un peu comme les chats, j’aime pas trop les portes fermées, j’ai une tendance à avoir envie de pousser jusqu’à ce qu’elles s’ouvrent quand même. Et puis il y a eu les cheveux blancs, ces petits vicieux glissés dans leurs copains bruns, alors que je commençais tout juste à aimer ma couleur naturelle, et à faire le choix de la garder comme ça. Je crois que c’est mon problème avec les cheveux blancs qui est le plus honteux à mes yeux, moi qui ai toujours pensé qu’il était ridicule de complexer sur les signes de vieillissement physique.
Et puis il y avait autre chose encore, cette impression de n’être pas une adulte complète, une adulte finie, alors que s’annonçait cette nouvelle décennie. Ce sentiment qu’en quittant la vingtaine, j’arriverai à un âge où je n’avais plus le droit d’être comme ça, d’être encore un peu enfant, un peu ado, un peu irréfléchie et spontanée quand j’en ai envie, un peu rêveuse et utopiste le reste du temps.
J’ai beaucoup repensé, ces derniers mois, à cette dizaine qui venait de s’écouler, et doucement, le film de ma vingtaine s’est mis en route sous mes yeux, avec ses moments forts, bons ou mauvais.
En 10 ans, il y a eu deux diplômes dans deux domaines totalement différents, il y a eu une expatriation de 10 mois au Chili, il y a eu Rennes, Nice, Paris, Besançon, la Rochelle, Vannes, St Malo, et encore plus de chez-moi éphémères, de voyages en train, en avion, de vie, ma vie, baladée dans des cartons ou des sacs.
Il y a eu trop peu de voyages, mais quelques uns tout de même : le Chili, l’Allemagne, Amsterdam, Stockholm, Vilnius. Je crois que c’est le plus gros regret de ma vingtaine, de n’avoir pas voyagé assez, alors je me suis promis, à l’aube de ma trentaine, de donner au voyage une place bien plus centrale dans cette dizaine à arriver, et dans ma vie tout court.
Il y a eu un métier, puis deux, il y a eu tout ce que j’y ai appris, et la professionnelle que je suis devenue, autonome, débrouillarde, curieuse, un peu têtue, un peu amatrice du changement, mais, je le sais aujourd’hui, compétente, appréciée et reconnue. Il y a eu cette envie plantée comme une graine au milieu de mon ventre, celle qui fait tranquillement ses racines en me chatouillant au plus profond de moi, celle qui me dit qu’un jour peut-être je serai mon propre chef, et peut-être aussi celui de quelqu’un d’autre.
Il y a eu le sport, et ma découverte que l’équitation n’était pas toujours stricte et individuelle, il y a eu alors mon équipe de horseball, les bleus, les blessures et les courbatures. Il y a eu le froid du dimanche matin dans l’Est, et la crasse des journées de tournoi. Il y a eu nos victoires et nos défaites, qui n’avaient aucune espèce d’importance, puisque ce qui comptait c’était de pouvoir mettre un « nous » sur celles-ci. Il y a eu mes débuts en salsa, et ces précieuses amies que je garde de ces soirées dansées. Il y a eu la voile que j’ai progressivement abandonnée, avec tellement de regrets d’être arrachée des bras de cet océan auquel je me sens tellement liée, alors il y a eu le surf, pour me permettre de le côtoyer au moins un peu l’été. Il y a eu ce défi que j’ai lancé à l’ancienne lycéenne que j’étais, celle qui savait courir vite, sauter loin, mais qui échouait toujours aux épreuves d’endurance. Il y a eu le premier kilomètre, les premiers mois, l’abandon, la reprise, les premiers 5 km, puis 10 km, et la fierté d’avoir su tenir bon, d’y être arrivée, et de m’être prouvée que les seules limites sont celles que l’on s’impose.
Il y a eu cet amour de la musique qui a chamboulé ces dernières années, les chansons doudous écoutées lors des moments compliqués, les morceaux déchainées les jours de grands soleil, les concerts aux quatre coins de la France ou d’ailleurs. Il y a eu surtout ce rêve d’enfant réalisé, les baguettes dans les mains, futs et cymbales face à moi. Il y a eu tous ces passionnés rencontrés au fil des évènements, tissant autour de moi cette toile de son dans laquelle j’ai encore le tournis et le coeur qui bat fort fort fort.
Il y a eu ce Noël, celui qui a mis un reflex entre mes mains. Il y a eu des milliers de clichés, de retouches, de lectures, et de recherches sur le net. Il y a eu cette habitude d’ouvrir grand les yeux pour ne jamais rien rater, appareil photo ou pas, de ce qu’il se passe autour de moi. Il y a alors eu le ciel, les nuages, l’océan, encore et toujours, la ville, la lumière, la nuit. Il y a eu tous ces endroits qui te paraissent hideux alors qu’ils dégagent tellement à mes yeux. Et puis il y a eu les gens, ceux qui m’émeuvent et que je photographie de loin en me faisant toute petite, ceux que j’ai rencontré en quelques mois de club photo, et qui m’ont ouverte à tellement de choses.
Il y a aussi eu ces mois où le quotidien me semblait difficile, où manger me semblait impossible, il y a eu beaucoup trop de larmes et d’années pour que les choses aillent vraiment mieux, et cette impression d’avoir gâché tellement de temps à être triste.
Il y a eu le tremblement de terre, la vie qui a défilé sous mes yeux, il y a eu mille choses idiotes à me passer en tête, mais une qui s’est imposée, j’aimais trop la vie. Il y a eu les 300 morts, et la chance de ne pas en faire partie. Depuis, il y a sans cesse des pensées qui me ramènent à ce jour là et me rappellent à quel point je suis heureuse d’être encore là.
J’y ai pensé, beaucoup, à cette vingtaine qui s’était écoulée, et que j’avais l’impression d’avoir gâchée. Mais tu sais, je crois que ce n’est pas le cas, qu’elle a amené ses moments difficiles, mais qu’elle me les a rendus puissance mille en moments feux d’artifices.
Et puis j’ai pensé, encore, à cette adulte « pas finie » que j’étais, et j’ai regardé autour de moi, j’ai regardé mes amis, en particulier une, et puis je me suis rendue compte, tu sais, je me suis rendue compte que les gens comme moi ne deviennent jamais vraiment adultes, en tout cas pas comme je l’imaginais. Nous continuons à rêver, nous estimons qu’il n’est jamais trop tard pour réinventer notre vie et tout changer si elle ne nous convient pas, nous n’avons pas peur d’être des débutants, de commencer quelque chose et de ne pas savoir, d’apprendre. Nous savons nous émerveiller du petit tout en rêvant grand, nous avons mille envies, mille projets, même si l’on sait, puisqu’on nous le répète depuis tout petit, qu’évidemment, on ne pourra pas être archéologue et vétérinaire dans une réserve africaine en même temps.
Mais ce n’est pas grave, parce que certains de nos rêves deviendront nos futurs, j’en suis maintenant certaine.
Je pense que c’est propre à l’humain, vois-tu de se faire un bilan à chaque dizaine.
Bon ceci dit tu es jeune et tu as encore plein de jolies aventures à vivre.
Allez vis ta vie comme tu l’entends ma jolie et gros bisous 😉
Forcément qu’à chaque chiffre rond, on se fait un petit bilan ! Mais c’est pas plus mal, ça permet de prendre le temps de réfléchir un peu sur notre vie ^^.
J’attends les aventures de pied ferme ! Merci pour ton message et bisous
Tres émouvant. …
et puis, lorsque l’on te connait bien, on te reconnait à 100% dans ce texte.
rester enfant quelque part, c’est une nécessité , c’est peut être ce qui nous aide à avancer…
continues à rêver….
regardes moi : tu trouves sue j’ai tout d’une adulte ???????
Plein de bisousb
Je sais de qui je tiens mon côté enfant… 🙂
Bisous !