C’était un weekend imprévu.
Un weekend volé, comme j’aime les appeler. Volé à cette fichue horloge qui tourne, à cette vie d’adulte responsable. Volé à ce rétroplanning « déménagement », à cette organisation un peu bancale du tri par le vide, de soixante dix mètres carrés à quatre fois vingt-trois kilos dans une soute.
Il y a eu juste un message.
Dis, si tu veux, tu viens à Lorient le weekend prochain.
Je n’ai pas trop réfléchi, je n’ai pas voulu, à vrai dire. Réfléchir, ça aurait été prendre conscience de ce qu’il me restait à faire, ça aurait été comprendre que perdre deux jours, c’était trop.
J’ai dit oui. Pire, j’ai posé une journée, pour voler trois jours au lieu de deux. Pour voler vingt-quatre toutes petites heures en plus à cette vie à cent à l’heure.
Presque, parce que le premier jour, j’ai trié un peu. Et puis j’ai envoyé le préavis.
Plus de travail, et maintenant plus d’appartement.
Juste le saut dans le vide.
Alors pour oublier, ou pour fêter ça, peut être un peu les deux, j’ai rempli le coffre de la voiture, et j’ai amené un bout de ma vie à Lorient, juste un petit bout à stocker. Pour commencer.
Alors voilà, deux jours, même un peu plus.
Deux matins à me réveiller sous le velux, à boire le jus d’orange pressé. Il y a eu les rayons du soleil sur ma nuque endormie, dans la cuisine. Et puis quelques pas sur la terrasse, émerveillée par cette chaleur inattendue de février. Il y a eu les nuages et la pluie, aussi. Il y a eu les discussions sur tout et rien, les confidences mère-fille, le miel de bord de mer, une soirée télé. Et puis la brioche dans mon sac en repartant.
Comment on fera, quand il ne sera plus la même heure pour nous deux ?
Il y a eu son anniversaire. Trente et un an. Et vous savez, moi j’aime quand mes amies vieillissent avec moi, depuis que je sais que parfois ça n’arrive pas. Alors pour fêter ça, j’ai amené des oursons en guimauve, parce qu’on vieillit mais pas trop quand même. Parce que treize ans à se connaitre si bien et s’aimer si fort, ça mérite bien du sucre et de la douceur.
Il y a eu une histoire dans un lit, avant d’aller dormir. Une sombre histoire d’animaux de couleur bizarre à retrouver au milieu de dessins de nature. Des flamands amoureux, des tigres bleus, des serpents à sonnettes et des papillons multicolores. Et puis au milieu, des dinosaures. Il y a eu son petit vélo dans la boue, et moi qui le poussais dans les montées. Il y a eu sa main dans la mienne, ses petits pas dans le sable à côté des miens.
A qui je lirai des histoires, quand je serai partie ?
Est ce qu’il se souviendra de moi, quand je reviendrai ?
Et puis aussi, l’océan.
Mon océan. Il y avait le vent breton qui en est indissociable, les vagues et les surfeurs courageux à l’eau. Les voiles de kitesurf qui ponctuaient le ciel de petits morceaux de couleur.
Il y avait toute sa force et sa tranquillité en une image, en un bruit. Il y avait la lumière d’hiver sur le fort, les rayons du soleil sur les rochers.
Qu’est ce que je deviendrai, aussi loin de lui ? Aussi loin de ces maisons aux volets bleus de ma côte bretonne ?
Au milieu de ces mois de funambule sur ma corde, les questions fusent, les incertitudes affleurent. Il y a cet habituel qui deviendra un souvenir. Il y a cet inconnu qui deviendra un quotidien.
Il y a ces weekends volés que je chérirai plus que tout.
En préparant mon sac, ce vendredi là, je crois que quelque part, j’avais compris que ce weekend aurait une saveur un peu particulière.
Alors j’ai laissé Sony à la maison. J’ai pris mon Instax, et quelques pellicules.
Il y a quelque chose de magique, dans l’imperfection de cet appareil.
Un résultat hasardeux, un cadrage approximatif, une mise au point farfelue, une exposition aléatoire.
L’Instax, c’est l’appareil photo du lâcher prise, de l’imprévu. C’est l’appareil photo idéal des heures volées à la vie.
Comment on fera…..
Une telle fusion entre nous deux, un tel besoin de se voir, de s’entendre, de se parler…
Ne t’inquiètes pas, ma puce, on trouvera…
Vis ton rêve, et sois certaine que personne ne t’oubliera!
Pour ma part, je penserai chaque jour à toi
Je m’imaginerai ta vie..
Je penserai à tous ces merveilleux moments passées ensemble, en attendant les autres…
Nos appels me manqueront, ta présence me manquera, c’est certain
Mais vis ta vie, jusqu’au bout
Ne vieillis pas avec des regrets
Et sois sûre de mon amour éternel !
Je t’aime
Mais oui, on trouvera toujours du temps pour s’appeler ! Et puis je reviendrai !
Moizossi je t’aime