Le retour en Bretagne, c’est à la fois toujours différent et toujours un peu la même chose. J’ai systématiquement le même réflexe, celui de prendre la voiture et de filer, filer droit jusqu’à la mer.
Sortir de la voiture, ouvrir toutes les voies jusqu’à mon coeur. Voir, regarder même, sentir, les odeurs, le vent dans mes cheveux, le soleil sur ma peau, écouter, entendre. Le bruit des vagues, des mouettes, des drisses contre les mâts.
Je me rends compte, à chaque fois, que ma vie est intimement, irréversiblement, liée à la mer, enfin, à l’océan. Et peut être un peu à la Bretagne, aussi, finalement, parce qu’aucun paysage ne m’émeut jamais plus que ceux que j’y retrouve, peut être simplement parce qu’ils sont pleins de souvenirs, parce qu’ils sont ma maison, mon cocon contre les éléments, contre les difficultés de la vie. Parfois ça m’inquiète et ça me rend un peu triste, parfois ça me rassure et me rend plus forte, parce que quoi qu’il en soit, je sais que mes racines sont profondes et solides, et, même si je m’en suis défendue longtemps, qu’elles définissent plus que n’importe quoi d’autre qui je suis.
Ce n’était que trois petits, tous petits jours en juillet, pourtant ils ont compté fort. Parce que j’ai choisi d’y faire un vrai retour dans mon passé. Un voyage dans mes souvenirs.
Il y a eu le Guilvinec, avec son sourire, avec mon sourire, à lui raconter tout ce que j’avais vécu ici, tout ce qui revenait à moi en suivant la ligne de nos pas dans la ville. Les kouigns au chocolat, le port, les chalutiers, la grue, ce bar, l’arrière port, celui dans lequel je m’étais blessée, si fort, en faisant l’imbécile avec ma planche à voile, celui qui m’a laissé des cicatrices sur les jambes pendant des mois. Alors j’ai repensé, j’ai repensé à celle que j’étais à 19-20 ans, j’ai repensé à la fille sans chaussures, en baggy, pleine de bleus aux jambes. J’ai repensé à celle qui vivait tout l’été au rythme des marées, en fonction de la météo, à celle dont la voiture était pleine de sable, les cheveux pleins d’eau salée, les mains pleines d’ampoules.
J’ai repensé à cette fille que j’aime tant, encore aujourd’hui, et qui me manque terriblement. Alors j’ai eu envie de la retrouver un peu. Et je savais, je sais toujours, en fait, où la retrouver. Dans l’eau. Avec une planche, de préférence, une voile, parfois.
Alors on a pris la direction de La Torche, après le Guilvinec, et on a croisé les doigts très fort. Ca nous a porté chance, et quelques heures plus tard, en combinaison un peu trop grande pour moi, dans l’eau étrangement froide de mi-juillet, je retrouvais mon équilibre, dans tous les sens du terme, sur les vagues de cette plage que j’aime tant.
Je retrouvais mon équilibre et commençais aussi, surprise, à dépasser mes peurs, celles qui m’empêchaient de surfer depuis déjà 3 ans. Depuis la chute qui m’avait tant effrayée.
Lutter contre les vagues, tenir fort la planche, s’arrêter au bon endroit, attendre, guetter, choisir, fébrilement, s’allonger et commencer à ramer, sentir la vague arriver, la planche accélérer, et l’instant d’après, pousser et être debout. Profiter, le plus possible, de cette sensation fabuleuse.
Sentir toute la puissance de l’océan, se sentir incroyablement vivante, et surtout, se sentir à sa place.
A ma place.
Alors à un moment, j’ai vu une vague lisse arriver. Je n’en avais pas pris depuis 3 ans, depuis celle qui m’avait coulée au fond, qui m’avait perdue sous la surface, incapable de remonter, celle qui m’avait fait perdre mes repères avant de me les rendre, remonter sur le sable, ranger ma planche. Et refuser d’y retourner depuis.
J’ai vu cette vague arriver et j’ai eu ce moment fou. Je lui ai tourné le dos, je me suis dit “Ocilia, celle-ci, no matter what, tu la prends, et puis c’est tout”. J’ai évité de la regarder, bien sûr, parce que si je ne la vois pas, je ne sais pas sa taille, je ne sais pas sa force, je ne sais pas si elle va casser maintenant ou pas. Si je ne la vois pas, je crois qu’elle me fait moins peur.
J’ai ramé fort, j’ai senti ma planche accélérer, j’ai poussé sur les bras, et je me suis retrouvée sur cette vague lisse.
Et j’ai crié.
Et j’ai souri. J’étais probablement ridicule, mais si tu surfes un peu, alors tu sais à quel point la sensation sur une lisse est dingue, à quel point elle est addictive, à quel point à peine descendu de ta planche, tu cours très vite pour y retourner et en prendre une autre, tout de suite.
Et tu sais aussi à quel point, dans ces moments là, tu es dans l’instant, heureux, libéré de tout, des problèmes, du temps qui passe. La mer lessive tout sur son passage, tout à part le bonheur, tout à part l’instant présent, tout à part la sensation sublime d’être exactement où tu dois être à ce moment-même.
Ces instants pourraient durer une éternité qu’ils seraient encore beaucoup trop courts. Mais en sortant de l’eau, j’étais certaine d’une chose : il y en aurait d’autres, le plus souvent possible. J’avais eu ce déclic, celui qui m’avait enfin fait comprendre qu’une partie de mon équilibre était là, au creux d’une vague, lessivée par les efforts que m’obligeait à faire l’océan.
Pendant une semaine, j’ai été obsédée par cette idée, obsédée jusqu’à ce qu’un dimanche, je pousse la porte d’une école de surf, pour “prendre des informations”. Oh bien sûr, que je savais ce que je voulais, que j’étais sûre de m’inscrire, mais vous savez, ce genre de chose, c’est toujours beaucoup plus facile quand on le fait en deux temps. Alors une semaine après, je passais le coup de téléphone qui scellait mon occupation du dimanche après-midi jusqu’en décembre. Notre occupation.
On va faire de la route, ce sera surement dur, on aura surement froid, on va souvent un peu râler, il y aura clairement des dimanches où l’on aura la flemme, mais si vous saviez, oh oui si vous saviez, comme cette idée me rend heureuse.
Comme je me rapproche, petit à petit, de la personne que je suis, au fond.
tu démarres quand ? J’y suis à partir de samedi prochain pour 15 jours ! Que j’aille t’admirer !
Hello Nanou ! J’habite à Nantes donc je ne me suis pas inscrite à la Torche ! J’irai jusqu’en Vendée pour mes cours !
En effet, j’aurai du y penser ! Je me disais bien que cela faisait de la route ! mais quand on aime ! Un petit tour du coté des Sables alors ?
Saint Gilles croix de vie !
Je te retrouve….
Tu me fais rajeunir d’une bonne dizaine d’années!
Merci…
Je me retrouve aussi ! Mais je ne rajeunis pas…
Ce bleu <3
Mais oui, on a eu tellement de chance…