
C’est comme, si d’un coup, le monde entier retenait sa respiration.
Comme si d’un coup, quelqu’un là-haut avait trouvé le bouton pause, et l’avait essayé. Un peu comme l’abruti qui a réussi à lancer un missile « par erreur » sur un avion en Iran en début d’année.
J’ai l’impression qu’on a appuyé sur le bouton « largage du virus sur la planète terre » par erreur, aussi.
Et depuis, c’est n’importe quoi.
On a inspiré un grand coup, et on a tout coupé.
Plus rien qui circule, plus rien qui bouge, plus rien qui respire.
Enfin si, la nature.
Chez moi, c’est n’importe quoi aussi.
Parfois je range et nettoie tout, parfois ça devient le bazar en moins de deux alors que je n’ai rien d’autre à faire que de vivre entre ces quatre murs.
Parfois, je mange des légumes frais, mais au bout de quelques jours, il ne reste plus que du surgelé.
Je développe une dépendance extrême à la purée d’amande alors que j’en avais mangé une seule fois dans ma vie avant.
J’ai oublié d’acheter du chocolat, c’est peut être pour ça.
Alors maintenant, je fais des réserves de purée d’amandes. J’ai plus de produits ménagers, mais j’ai de la purée d’amandes, ça va, alors.
Mes meubles jouent aux chaises musicales régulièrement, ils en sont actuellement au troisième round. Ma batterie est arrivée dans le salon, tout le monde a tourné dans la chambre.
Dans ma playlist spotify aussi, ça devient n’importe quoi. Elle me passe du punk, enchaine sur Jason Mraz, fait un saut dans la musique cubaine, revient sur un morceau de Vanessa Paradis, fait un détour par du jazz, glisse sur les Beattles et termine sur Sean Paul.
N’importe quoi, je vous dis.
J’alterne ces lectures qui n’ont rien à voir. Aller, un roman feel-good, aller, une histoire post-apocalyptique avec une épidémie dedans, aller, une histoire d’amour de 400 pages dans une ville minuscule. Ne me demandez pas ce qu’on a bien à dire sur une histoire d’amour pendant 400 pages, je suis au chapitre 3, j’en sais foutrement rien.
J’appelle compulsivement ma famille et mes amis, juste histoire de voir des têtes connues, d’entendre des voies familières. Je bricole pour réussir à prendre mes cours de batterie par Skype, avec un internet poussif et une batterie électronique.
Je me shoote à la bonne humeur de ma prof de danse et suis tous ses cours, y compris ceux de zumba.
Alors que je hais la zumba.
Je chasse cette souris bien trop maligne pour entrer dans le piège que je lui ai acheté exprès, vous savez, ces pièges qui enferment les bestioles au lieu de les tuer.
Vous croyez que « je vais relacher ma souris dans le parc » est une excuse recevable pour sortir de chez moi et aller jusqu’au parc ?
Je regarde les rares ombres passer devant mes fenêtres.
J’écoute la ville retenir sa respiration, je me demande combien de temps on va rester comme ça, en apnée, à nous laisser dériver, entre deux eaux.
Combien de temps on va tenir chacun chez soi, coupés des autres.
Combien de temps je vais rester avec cette déception au creux de mon estomac.
Avec cette colère que j’essaie de digérer en même temps. Avec ce sentiment de lassitude et de découragement.
Je crois que je fais une indigestion, en fait.
J’ai l’impression que ça va durer toute une vie.
Parfois, je me dis que ce confinement est arrivé pile au mauvais moment dans ma vie.
Et puis après, je me dis qu’il aurait pu arriver six mois avant. Là ça aurait vraiment été le mauvais moment.
Alors je ris un peu, même quand je l’écris, et je me dis que finalement, non, il arrive pile au bon moment, dans ma vie, si tant est qu’il y ait vraiment un bon moment pour ça.
Je vais avoir le temps de digérer ma colère, ma déception. De laisser décanter ma lassitude et mon découragement.
De réfléchir à ce que je veux pour la suite, pour ma vie.
Même si ça ressemble à ma playlist Spotify, que ça n’a ni queue ni tête.
Ça sera un joyeux bordel jusqu’au bout, je crois.
Vraiment n’importe quoi, je vous ai dit.
on vit tous de drôles de choses avec ce confinement, cette pandémie. Espérons qu’on en garde le meilleur par la suite…
Bonnes lecture, Zumba, purées d’amandes 😀
Oui, c’est une drôle de période… Je pense qu’on a tous hâte qu’elle se termine et qu’on est beaucoup à être curieux de la suite !